Citations de Jean GuéhennoCaliban parle, Grasset, 1928, pour la présente édition 1945, p. 28, 96, 115, 134, 160 163 :
« Je suis de ces hommes qu’en matière de gouvernement on appelle des hommes impossibles. Un trop honnête homme est presque toujours un homme impossible. »
« […] J’ai retrouvé le vrai sens de la culture, et désormais je ne me trompe plus quand je lis les vieux livres. Je sais ce que j’y dois chercher. Un esprit s’y cache, qui délivre et qui sauve. »
« La vraie trahison est de suivre le monde comme il va et d’employer l’esprit à le justifier. »
« La société qui a eu peur est comme l’homme qui a eu peur ; elle n’a plus toute sa valeur morale. »
« Le bonheur tue l’imagination et les gens heureux ne peuvent connaître la puissance d’un songe que la seule misère nourrit. »
« [La culture] est l’inquiétude du vrai et du juste, certaine exaltation permanente de l’esprit […]. »
Conversion à l’Humain, Grasset, 1931, p. 163-164 :
« Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison. »
Journal d’un homme de 40 ans, Grasset, 1934, p. 26, 106 et 159 :
« […] Ceux que nous avons aimés et que nous ne pouvons plus voir, leurs ombres remplissent tout notre esprit. »
« Ma jeunesse a été comme un ruisseau de montagne qui se précipite, court et tombe, emporté par son propre bruit. »
« Je suis de ceux, innombrables, qui ont vécu la guerre furtivement, craintivement, humainement. »
Jeunesse de la France, Grasset, 1936, p. 164 :
« On bâtissait jadis les cités nouvelles sur un tombeau. Le tombeau est creusé depuis vingt ans. Douze millions, de toutes les nations, y sont couchés, et leur cendre est devenue la terre même de la France. France, mon pays, qu’attends-tu donc pour construire sur ce tombeau la nouvelle Europe ? »
Journal d’une « révolution », Grasset, 1939, p. 103 :
« Aimer ! La merveilleuse audace ! Mais qui donc ose aimer ? Aimer, c’est accepter soudain de doubler tous ses risques, vivre de la vie d’un autre, mourir de la mort d’un autre et être doué d’un courage qu’on n’aurait jamais pour soi. Être aimé, c’est avoir la certitude qu’il y a au monde quelqu’un en qui toujours tu pourras te reposer, quelqu’un qui t ‘aimera encore quand toi-même ne pourras plus te supporter, quand toi-même ne pourras plus t’aimer. Dieu, dans les religions, remplit cet office pour toutes les âmes. Mais ceux qui sont aimés d’une autre créature n’ont pas besoin de Dieu. »
L’Université dans la Résistance et dans la France nouvelle, Conférence au Palais de Chaillot le 8 mars 1945, repris in Aventures de l’Esprit, Gallimard, 1954, p. 200 :
« L’éducation d’un peuple, ce n’est que l’augmentation de sa conscience. »
La France [et] le Monde, Éditions de la Liberté, 1946, repris in Aventures de l’Esprit, p. 10, 23 et 31 :
« Une nation pas plus qu’un individu ne peut se passer du regard des autres, de cette flamme fraternelle, de cet encouragement à vivre qui y étincelle quelquefois. »
« Les peuples, comme les hommes, se mesurent à leurs rêves. La France n’est devenue la France que grâce à un certain pouvoir qu’elle eut quelquefois de rêver non pour elle seulement, mais pour tous les hommes […]. »
« La démocratie est la religion du bonheur des hommes, mais c’est aussi la religion de leur dignité. »
Journal des années noires, Gallimard, 1947, p. 77, p. 122, p. 262 :
« Un homme d’autrefois qui ne savait pas lire se sauvait par la méfiance. […] Il pensait seul, ce qui est l’unique manière de penser. Un homme d’aujourd’hui qui a appris à lire, écrire et compter, n’est par rien protégé contre sa vanité. »
« Un homme ne se construit que sur son courage et par son courage. »
« Je me vante quelquefois de n’aimer pas croire. Ce qui est plus exact, c’est que j’aimerais mieux penser et savoir et je sais qu’il faut croire le moins possible pour penser le plus possible. Mais je suis un animal pieux, et toute ma vie est celle d’un homme de foi. »
La Part de la France, Éditions du Mt Blanc, 1949, p. 21 :
« […] Et je n’oublie pas cette promesse que je me suis faite à moi-même, de ne jamais servir la violence. »
Voyages, Tournée américaine, tournée africaine, Gallimard, 1952, p. 21 :
« La démocratie n’est que la conciliation de la justice sociale et de la liberté. »
La France et les Noirs, Gallimard, 1954, p. 15 :
« […] Le travail utile, le seul qui change le monde et la vie, est celui de quelques vrais maîtres qui ont le respect des esprits, qui ne prêchent pas, ne ronronnent pas, mais simplement cherchent et parlent. Et alors il n’est guère de plus grand spectacle. »
La Foi difficile, Grasset, 1957, p. 10, 16, 232 et 240 :
« Nous rêvons une vie, nous en vivons une autre, mais celle que nous rêvons est la vraie. »
« Je ne suis parvenu à rien que par de grands efforts. »
« […] Les années m’ont appris que c’était un bonheur prodigieux de naître la révolte au cœur […]. »
« Méfiez-vous des gens, des partis, des doctrines qui vous promettent tout et ne vous demandent rien. »
Sur le Chemin des hommes, Grasset, 1959, p. 137 et 213 :
« Préparons modestement des hommes qui soient pour toute leur vie des autodidactes. »
« C’est à l’école qu’il faut raccommoder la toile déchirée de notre monde et empêcher qu’on ne la déchire davantage. »
Changer la vie, Grasset, 1961, pour la présente édition 1984, p. 71, 180 et 211 :
« C’est une incroyable chance d’avoir quelquefois le temps de vivre, le temps de la conscience, […] de pouvoir s’arrêter quelquefois, reprendre souffle et lever la tête pour contempler l’étonnant paysage autour de soi, y reconnaître sa place et se perdre en lui. »
« On ne reconstitue pas seul le cours régulier des études, déterminé par l’usage et la tradition . Ces pédagogues amoureux jusqu’à la manie des choses qu’ils enseignent et qui répètent chaque année leurs explications et leurs plaisanteries sont irremplaçables. »
« J’entrevoyais que la plus grande victoire n’était pas à gagner sur les autres ; on la gagnait contre soi-même. »
Ce que je crois, Grasset, 1964, p. 25 :
« On ne revient pas de certaines impressions de l’enfance. Elles fixent la couleur de l’âme. »
La Mort des autres, Grasset, 1968, p. 35 et 83 :
« […] Être fidèle aux morts, c’est être fidèle à leurs rêves et à leurs espoirs et tâcher de les accomplir. »
« La guerre est une affaire ainsi réglée par ceux qui ne la font pas que ceux qui la font n’aient plus le choix qu’entre tuer ou mourir. »
Caliban et Prospero, Gallimard, 1969, p. 33 et 58 :
« L’humanisme est une foi, une foi en l’homme. C’est une religion de l’homme […] .»
« Certes il faut leur apprendre à gagner leur vie. Mais ils ne la gagnent que pour la vivre. Et c’est à la vivre surtout qu’ils doivent être préparés.»
Carnets du vieil écrivain, Grasset, 1971, p. 42-43, 62, 199, et 199-200 :
« Si je suis, dans mes livres, retourné si souvent à ma jeunesse, que le lecteur me pardonne. […] Quand je parviens à évoquer une seule minute de ma jeunesse comme elle fut vraiment, dans sa tension et son combat, tout retrouve pour moi un ordre, un sens. Je crois savoir pourquoi je vis.»
« Le vieux pays, c’est pour chacun celui où il a appris à vivre et sans doute l’aime-t-on d’autant plus que l’apprentissage fut plus difficile. »
« J’ai vérifié qu’il n’est pire offense à un esprit que de lui refuser la culture dont il est capable.»
« J’ai grandi dans des batailles qu’on livrait pour un sou. […] L’honneur autant que le pain était engagé. Dans un monde où l’argent réglait tout, il semblait que la pauvreté fût une condition honteuse. C’est cela que je n’ai jamais oublié. »
Dernières lumières, derniers plaisirs, Grasset, 1977, p. 14, 219 et 219 (une nouvelle fois) :
« Les grèves ont changé de caractère. Elles étaient jadis de difficiles et rudes combats pour l’homme et la dignité de la vie autant que pour le pain. Il s’agit seulement désormais de parvenir à mettre un peu plus de beurre sur le pain. Tant mieux ! Cette transformation de la condition ouvrière a été la plus vraie joie de ma vie. Mais la bataille même fut peut-être plus belle que la victoire. Tout devient affaires. Les secrétaires des syndicats sont des sortes de fonctionnaires, des P.-D.G., aussi habilles, aussi rusés que ceux des sociétés anonymes capitalistes… Je ne suis pas sûr qu’on y ait tout gagné. L’honneur n’est guère à la mode. »
« Pauvres et riches sont les mêmes hommes de série, « n’importe qui », et se valent devant les vraies valeurs. »
« Pour changer la vie, c’est l’homme même qu’il faut changer. « Ce sera long, long », comme disait Renan. Mais il change. Il a beaucoup changé en des millions d’années et continuera. »